9 juillet 2025

Comment étendre son brevet à l’international ?

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Comment étendre son brevet à l’international ?

Dans un contexte économique globalisé, protéger une invention uniquement sur le territoire national ne suffit souvent plus. Pour une entreprise innovante ou un inventeur, s’assurer que son innovation est protégée au-delà des frontières devient un enjeu stratégique majeur. Contrairement à une idée reçue, il n’existe pas de « brevet mondial » automatique. En réalité, le brevet est un droit territorial : il ne produit ses effets que dans les pays où il a été déposé et délivré. Étendre son brevet à l’international nécessite donc de mettre en place une stratégie juridique et administrative adaptée. Cet article vous propose une explication claire et accessible des principales voies permettant de protéger une invention dans plusieurs pays.

Pourquoi protéger son invention à l’étranger ?

Un brevet délivré par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) confère à son titulaire un monopole d’exploitation limité au territoire français. Si l’invention a vocation à être exploitée dans d’autres pays, ou si l’on craint qu’elle ne soit copiée à l’étranger, il est indispensable d’envisager une extension de la protection à l’international. Cette démarche permet de sécuriser l’innovation sur les marchés visés, de préserver ses avantages concurrentiels, de valoriser l’entreprise dans le cadre d’investissements, et d’empêcher toute exploitation non autorisée dans des États tiers.

Le mécanisme du droit de priorité

L’une des premières notions fondamentales à connaître est celle du droit de priorité. À compter de la date de dépôt de votre première demande de brevet, vous disposez d’un délai de douze mois pour étendre votre protection à d’autres pays tout en conservant la date de dépôt initiale comme point de départ. Ce droit découle de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. Il garantit que les demandes ultérieures déposées dans d’autres États pendant cette période seront considérées comme si elles avaient été déposées à la date de la première demande. Cela vous permet d’anticiper et de sécuriser votre stratégie internationale, sans perdre l’antériorité de votre invention. Passé ce délai, il est encore possible de déposer à l’étranger, mais vous ne bénéficierez plus de cette priorité, ce qui peut poser des difficultés si l’invention a été divulguée entre-temps.

Le dépôt national dans chaque pays

La première option consiste à déposer directement votre demande de brevet auprès de chaque office national dans les pays où vous souhaitez obtenir une protection. Cette approche est adaptée si vous ciblez un nombre restreint de territoires. Toutefois, elle suppose de respecter les exigences propres à chaque pays, notamment en matière de langue, de forme, de procédure et de paiement des taxes. Il est souvent nécessaire de recourir à un mandataire local, ce qui peut générer des coûts importants. Cette voie présente l’intérêt d’une autonomie totale entre les différentes demandes : l’échec d’une procédure dans un pays n’a pas d’incidence sur les autres. En revanche, elle devient rapidement lourde à gérer si vous visez plusieurs États.

Le brevet européen

Si vos ambitions se limitent principalement au continent européen, la procédure de dépôt auprès de l’Office européen des brevets (OEB) constitue une voie efficace. Elle permet, avec un seul dossier, de viser jusqu’à 39 États membres ou partenaires de la Convention sur le brevet européen. La demande peut être déposée en français, anglais ou allemand, et elle est examinée de manière centralisée. Une fois le brevet délivré, il doit être validé dans chacun des pays désignés pour entrer en vigueur localement. Cette validation implique, selon les cas, la fourniture de traductions, le paiement de taxes et, parfois, la désignation d’un représentant local. Il ne s’agit donc pas d’un brevet unique pour l’Europe, mais d’un ensemble de brevets nationaux dérivés d’une procédure initiale commune.

Le brevet européen à effet unitaire

Depuis 2023, une nouvelle possibilité existe avec le brevet européen à effet unitaire. Il s’agit d’une alternative au système classique qui permet, à partir d’une demande unique auprès de l’OEB, d’obtenir une protection uniforme et centralisée dans les États membres de l’Union européenne ayant ratifié l’accord sur le brevet unitaire. À ce jour, dix-huit pays participent à ce système, et d’autres pourraient les rejoindre. L’intérêt principal de cette option réside dans la simplification administrative, la réduction des coûts de validation et la gestion centralisée des procédures post-délivrance. En cas de contentieux, la Juridiction unifiée du brevet est compétente pour statuer sur la validité et la contrefaçon de ces brevets unitaires, ce qui offre une lisibilité juridique accrue. Toutefois, il est possible de cumuler un brevet européen à effet unitaire avec un brevet national français pour bénéficier d’une double protection.

La procédure PCT (Patent Cooperation Treaty)

La voie la plus souple et la plus fréquemment utilisée pour une protection à l’échelle mondiale est celle du PCT, traité international administré par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Cette procédure permet de déposer une seule demande, dite internationale, qui produira des effets dans plus de 150 États. Il ne s’agit pas d’un brevet international en tant que tel, mais d’un mécanisme centralisé permettant de retarder et de rationaliser les démarches d’extension.

La procédure PCT se divise en deux phases. La phase dite internationale débute avec le dépôt de la demande unique. Cette phase comprend une recherche internationale pour évaluer l’état de la technique, une publication de la demande après dix-huit mois, et la possibilité de demander un examen préliminaire international. Cette étape permet de disposer d’une première opinion sur la brevetabilité de l’invention. Ensuite, à l’issue d’un délai de trente ou trente-et-un mois à compter de la date du dépôt initial, commence la phase nationale. Le déposant doit alors choisir les pays dans lesquels il souhaite entrer en phase nationale, effectuer les traductions nécessaires, régler les taxes requises et se conformer aux règles locales. Ce système présente l’avantage majeur de différer les dépenses importantes et de laisser le temps d’évaluer la valeur commerciale de l’invention à l’étranger.

Les autres offices régionaux

En dehors de l’Europe, il existe d’autres mécanismes régionaux permettant un dépôt unique pour plusieurs pays. On peut citer notamment l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), l’Organisation régionale africaine de la propriété intellectuelle (ARIPO), l’Organisation eurasienne des brevets (OEAB), ou encore le Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCG). Ces systèmes permettent, à l’instar de l’OEB, de déposer une demande centralisée qui sera valable dans tous les pays membres de l’organisation concernée.

Les obligations spécifiques en France

Il convient de rappeler que tout résident français, ou entreprise ayant son siège en France, doit procéder à un dépôt initial auprès de l’INPI avant toute extension à l’étranger. Cette obligation résulte de considérations liées à la sécurité nationale. Certaines inventions sensibles doivent même être soumises à une procédure particulière, avec dépôt papier et information de la Direction générale de l’armement. Il est donc essentiel de vérifier si votre invention entre dans ce champ spécifique avant de vous engager dans un processus international.

Stratégies clés pour étendre la protection internationale de votre brevet

Étendre la protection de son brevet à l’international est une démarche incontournable pour les porteurs d’innovation souhaitant sécuriser leurs droits dans plusieurs pays. Entre dépôts nationaux, procédures régionales et système PCT, les options sont nombreuses et doivent être choisies en fonction de la stratégie commerciale, du budget disponible et des marchés cibles. Le respect du délai de priorité de douze mois est un point clé pour bénéficier d’une extension efficace sans perte de droits. Enfin, face à la complexité des règles applicables dans chaque juridiction, il est vivement recommandé de se faire accompagner par un conseil en propriété industrielle ou un avocat spécialisé. Ce professionnel saura vous guider dans le choix des procédures les plus adaptées à votre situation et optimiser la portée de votre protection à l’international.

Auteur : Dhenne Avocats.