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Juridiction Unifiée du Brevet

Définition : Juridiction Unifiée du Brevet

La juridiction unifiée du brevet (UPC) est la Cour compétente pour les procédures relatives à un brevet unitaire.

C’est plus précisément une juridiction spécialisée qui a été créée pour traiter les litiges en matière de brevets dans les États membres de l’Union européenne. Elle vise à offrir un système judiciaire unifié pour les brevets en Europe, en réduisant les coûts et les complexités des litiges de brevets qui peuvent actuellement être portés devant les tribunaux nationaux de chaque État membre de l’Union européenne.

L’objectif est d’harmoniser l’accès à la protection des brevets, de renforcer la sécurité juridique, et d’assurer une application cohérente du droit des brevets au sein de l’Union. Ce dispositif permet une meilleure efficacité du système et évite des procédures multiples dans plusieurs pays pour un même brevet.

Organisation et structure

La JUB sera composée d’un tribunal de première instance, d’une cour d’appel et d’un registre central. Elle sera compétente pour entendre les litiges en matière de brevets européens et de brevets unitaires. Le brevet unitaire est un nouveau type de brevet qui sera délivré par l’Office européen des brevets (OEB) et qui sera valable dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne qui ont adhéré au système.

Le tribunal de première instance repose sur une structure décentralisée : il comprend une division centrale à Paris, avec deux sous-sections à Munich et à Milan. Des divisions locales sont également implantées dans différents États membres, comme à Paris, Milan ou Munich, et d’autres régionales, notamment dans les pays baltes et nordiques (Suède, Estonie, Lettonie, Lituanie).

Les chambres des divisions locales et régionales sont composées de trois juges issus de différents États membres et qualifiés en droit, auxquels peut s’ajouter un juge technique spécialisé dans le domaine technologique concerné. Cette organisation garantit une expertise équilibrée et une représentation équitable des pays.

La division centrale, quant à elle, statue notamment sur la validité des brevets, par exemple en matière de nullité ou de déclaration en non-contrefaçon, tandis que les divisions locales et régionales sont principalement compétentes pour les actions en contrefaçon. La Cour d’appel siège à Luxembourg et est composée de cinq juges (trois juridiques et deux techniques), ce qui reflète l’importance d’une pluralité de compétences au stade de l’appel.

L’architecture de la juridiction unifiée comprend également un centre de médiation et d’arbitrage, ainsi qu’un centre de formation destiné à garantir la qualité des décisions. L’ensemble fonctionne sous la supervision du Règlement de procédure de la JUB (RPJUB), qui fixe les modalités procédurales devant la cour.

La JUB aura pour objectif de rendre les procédures de litige en matière de brevets plus efficaces, moins coûteuses et plus prévisibles. Elle permettra également de réduire les risques de décisions contradictoires en matière de brevets, qui peuvent actuellement être prises par différents tribunaux nationaux dans des États membres différents.

Compétence

L’accord relatif à cette juridiction est entré en vigueur le 1er juin 2023. Il précise que la JUB dispose d’une compétence exclusive pour tous les litiges liés aux brevets européens et aux brevets unitaires, notamment les actions en contrefaçon, en nullité, en réparation ou encore celles concernant les licences obligatoires. Toutefois, pendant une période transitoire de sept ans, les titulaires de brevets peuvent choisir de se retirer de ce système en activant une option appelée « opt-out », pour rester devant les juridictions nationales.

Dans les actions en contrefaçon, le demandeur peut être le titulaire du brevet ou un licencié (exclusif ou autorisé par contrat). L’action peut être portée devant la division locale de l’État où la contrefaçon a eu lieu ou est susceptible de se produire, ou devant celle du domicile du défendeur. À défaut, l’affaire peut être portée devant la division centrale.

Le demandeur devra prouver la validité du brevet et démontrer qu’un acte de contrefaçon a été commis. Il peut solliciter des mesures provisoires comme une injonction de cessation immédiate ou une saisie-contrefaçon. La JUB peut aussi ordonner des dommages et intérêts, le retrait des produits contrefaisants, ou la publication du jugement aux frais du défendeur.

L’annulation d’un brevet peut aussi être demandée, que ce soit dans le cadre d’une action principale ou reconventionnelle. Dans ce cas, si la nullité est prononcée, elle s’appliquera rétroactivement dans tous les États membres participants. Cela signifie qu’un brevet peut perdre son effet de protection dans l’ensemble des pays concernés à la suite d’une seule décision.

Les décisions rendues en première instance peuvent faire l’objet d’un recours devant la Cour d’appel. Le recours, à déposer dans les deux mois suivant la notification, a en principe un effet suspensif. Toutefois, certaines mesures provisoires peuvent continuer à produire leurs effets malgré l’appel.

Les fondements de cette juridiction unifiée ainsi que ses perspectives demeurent toutefois discutés, notamment en raison de l’innovation qu’elle représente dans le paysage judiciaire européen.

Enjeux

L’un des défis majeurs réside dans la diversité des systèmes juridiques nationaux et dans la perte partielle de souveraineté judiciaire au profit d’une instance supranationale. Certains États membres craignent que leurs entreprises n’aient plus un accès aussi direct à leur propre justice en matière de brevets.

De plus, l’absence de jurisprudence établie crée une incertitude sur les premières décisions à venir. La coexistence avec les juridictions nationales pendant la période transitoire peut complexifier les choix stratégiques des entreprises en matière de dépôt ou de contentieux.

Sur le plan économique, le recours à la JUB peut générer des coûts plus élevés pour les petites et moyennes entreprises, surtout lorsque la protection est recherchée dans un nombre limité de pays. À l’inverse, pour les brevets à vocation paneuropéenne, la juridiction unifiée apporte une simplification et une sécurité accrue.

Enfin, en cas d’annulation d’un brevet par la JUB, la perte de protection est immédiate dans l’ensemble des États membres concernés, ce qui peut représenter un risque élevé. Le nouveau système, bien qu’ambitieux, implique donc une adaptation et une réflexion approfondie pour les titulaires de brevets et leurs conseils.

L’avocat brevet (ou avocat JUB) aura pour but d’accompagner ses clients dans leurs stratégies contentieuses devant cette nouvelle juridiction. Il devra également maîtriser les règles du RPJUB ainsi que les spécificités des procédures devant chaque division du système unifié.