25 septembre 2025

Que se passe-t-il après l’expiration d’un brevet ?

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Que se passe-t-il après l’expiration d’un brevet ?

L’expiration d’un brevet marque une étape cruciale dans le cycle de vie de la propriété industrielle, ouvrant la voie à de nouvelles dynamiques économiques et juridiques. Cette transition soulève de nombreuses questions sur les conséquences pratiques pour les inventeurs, les concurrents et les consommateurs.

Le passage dans le domaine public

Une fois la durée du brevet expirée, l’invention tombe dans le domaine public. Cela signifie que toute personne peut librement utiliser, fabriquer et commercialiser l’invention sans avoir besoin d’une autorisation ou d’une licence. Cette règle fondamentale du droit de la propriété intellectuelle constitue l’un des piliers de l’équilibre entre protection de l’innovation et accès public aux connaissances.

Un brevet est limité sur une durée de 20 ans à compter du dépôt. Cette durée maximale ne vaut qu’à condition du paiement des taxes de maintien en vigueur, appelées redevances ou annuités. Le Code de la propriété intellectuelle français, dans ses articles L611-1 à L623-44, encadre précisément ces dispositions.

Le brevet peut être maintenu en vigueur pendant une durée maximale de 20 ans. Passé cette période ou lorsque les annuités ne sont plus payées, le brevet tombe dans le domaine public, c’est-à-dire que l’invention qu’il protégeait ne bénéficie plus de protection et que toute personne peut l’exploiter librement.

Les différentes causes d’expiration

L’expiration d’un brevet ne survient pas uniquement au terme des 20 années réglementaires. En règle générale, un brevet expire une fois ce délai de 20 ans écoulé. Toutefois, il existe d’autres sources d’extinction d’un brevet : La première est la déchéance (article L. 613-24 du Code de propriété intellectuelle) : lorsque le titulaire du brevet ne s’acquitte pas des annuités dans les délais impartis (au dernier jour du mois d’anniversaire de dépôt du brevet), il se voit déchu des droits dont il disposait sur le brevet ou la demande de brevet.

Si un déposant décide d’abandonner son brevet ou s’il ne paye plus ses redevances avant la limite des 20 ans, il perd ses droits de propriété. Si le déposant décide d’abandonner les droits du brevet ou s’il ne paye plus les redevances, le brevet au bout d’un certain temps tombe dans le domaine public.

Les conséquences juridiques immédiates

Une fois le brevet expiré, il n’est plus opposable aux tiers souhaitant exploiter l’invention protégée. L’ancien titulaire ne pourra donc plus l’invoquer devant les prétoires. De la même manière, les droits issus du brevet perdent leurs effets à l’échéance de la date d’expiration du brevet.

Cette perte d’exclusivité ouvre immédiatement le marché à la concurrence. Les entreprises peuvent désormais exploiter librement la technologie brevetée, sans risquer de poursuites pour contrefaçon. Cette transition juridique s’accompagne généralement d’effets économiques significants, particulièrement visibles dans certains secteurs comme l’industrie pharmaceutique.

L’impact sur le secteur pharmaceutique

Le domaine pharmaceutique illustre parfaitement les enjeux liés à l’expiration des brevets. Lorsque les droits de propriété intellectuelle ont expiré, on dit que l’invention « tombe dans le domaine public ». Dans ce cas, le médicament original peut être légalement copié, on parle alors de médicaments génériques.

Ainsi, une fois l’invention « tombée » dans le domaine public, plus rien ne s’oppose à la production de copies du médicament de référence qui seront vendues à un prix plus bas. Cette dynamique concurrentielle bénéficie directement aux systèmes de santé et aux patients, qui peuvent accéder à des traitements moins coûteux.

Cependant, il a été observé que les effets économiques du brevet pouvaient être ressentis plus longtemps que ses effets juridiques. Même après la disparition du brevet, le prix du médicament restait souvent à un niveau élevé, funeste pour les comptes publics.

Les stratégies de préparation à l’expiration

Les entreprises pharmaceutiques développent diverses stratégies pour se préparer à l’expiration de leurs brevets. Dans le secteur pharmaceutique, une concurrence potentielle peut s’exercer bien avant l’expiration d’un brevet protégeant le principe actif d’un médicament princeps, puisque les fabricants de médicaments génériques veulent être prêts pour entrer sur le marché au moment de cette expiration.

Cette préparation peut parfois donner lieu à des pratiques anticoncurrentielles. Lorsque le brevet d’un médicament princeps arrive à expiration, le fabricant de celui-ci peut être tenté, en attendant la protection de nouveaux procédés par de nouveaux brevets, de bloquer l’arrivée des médicaments génériques. Sous couvert de règlement amiable de litige relatif à un brevet, il conclut avec leurs fabricants des accords de « pay for delay » ou de report d’entrée par lequel ces fabricants de médicaments génériques acceptent de ne pas les lancer tout de suite sur le marché en échange d’une compensation financière.

Les exceptions réglementaires : le cas Bolar

Pour faciliter l’entrée sur le marché des médicaments génériques, de nombreux pays ont adopté des « exceptions Bolar ». Dans le différend Canada – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques, le groupe spécial de l’OMC a décidé que cette disposition, qui autorisait des exceptions limitées, couvrait une disposition de la législation canadienne qui permettait aux fabricants de médicaments génériques d’utiliser des produits brevetés, sans autorisation et avant l’expiration de la durée de protection, afin d’obtenir des autorités chargées de la santé publique l’approbation de la commercialisation.

En France, l’article L.613-5 du même Code y apporte des précisions utiles en excluant du champ de la contrefaçon l’usage expérimental, à savoir les « études et essais requis en vue de l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché pour un médicament, ainsi que [les] actes nécessaires à leur réalisation et à l’obtention de l’autorisation ».

Les effets économiques positifs de l’expiration

L’expiration des brevets génère des bénéfices économiques substantiels pour la société. Premièrement, après l’expiration de la protection, les connaissances acquises derrière l’innovation (et révélées dans les demandes de brevet et les dossiers AMM) peuvent être utilisées librement par d’autres innovateurs pour développer de nouveaux produits similaires ou non liés. Deuxièmement, l’introduction de génériques ou de biosimilaires moins coûteux s’oppose à la capacité des innovateurs à tirer profit de revenus élevés provenant de l’exclusivité de marché et encouragera dès lors le producteur du princeps à continuer d’investir dans les activités de recherche et de développement pour les produits en cours d’élaboration afin de sécuriser ses futures sources de revenus. La concurrence des génériques et des biosimilaires fait donc non seulement baisser les prix des médicaments plus anciens, mais elle agit en outre en tant que vecteur de discipline obligeant les producteurs de princeps à continuer à innover.

L’équilibre entre innovation et accès public

L’expiration des brevets illustre parfaitement l’équilibre recherché par le système de propriété intellectuelle. L’article 7, intitulé Objectifs, reconnaît que la protection de la propriété intellectuelle devrait contribuer à la promotion de l’innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l’avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d’une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d’obligations. L’Accord ne vise pas simplement à maximiser le niveau de protection de la propriété intellectuelle; au contraire, il est le résultat d’un véritable processus de négociation centré sur la nécessité de trouver un équilibre.

Cette philosophie se concrétise par le passage automatique des inventions dans le domaine public, permettant à la société de bénéficier pleinement des innovations après une période de protection temporaire accordée aux inventeurs.

Auteur : Dhenne Avocats.