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Concurrence déloyale

Définition : Concurrence déloyale

La concurrence doit être conforme à une certaine morale des affaires, et toute déloyauté non conforme à cette morale engage la responsabilité civile délictuelle de son auteur sur le fondement de l’article 1240 du Code civil. Cette disposition, au cœur du droit commun de la responsabilité, fonde l’action en concurrence déloyale, laquelle ne suppose pas l’existence d’un droit privatif comme en matière de contrefaçon.

Il ne s’agit pas de sanctionner la concurrence en tant que telle, mais l’abus qui en est fait. La concurrence déloyale n’interdit pas l’exercice de la concurrence, mais elle condamne les comportements contraires aux usages loyaux du commerce et à l’honnêteté professionnelle. C’est donc un mécanisme correcteur, qui vise à éviter que l’activité concurrentielle ne dégénère en pratiques destructrices ou préjudiciables à une entreprise.

Conditions de mise en œuvre de l’action en concurrence déloyale

En tout cas, la sanction d’un acte déloyal est subordonnée aux trois conditions requises pour engager la responsabilité délictuelle : une faute, un préjudice, et un lien de causalité.

  1. La faute : Elle consiste en tout comportement contraire aux usages loyaux du commerce, qu’il s’agisse d’un acte, d’un propos ou même d’une omission. Il n’est pas nécessaire de démontrer une intention de nuire. L’appréciation se fait objectivement, à la lumière des pratiques professionnelles.
  2. Le préjudice : Il s’agit généralement d’un trouble commercial : perte de clientèle, baisse du chiffre d’affaires, atteinte à l’image de l’entreprise, ou encore désorganisation du marché. Ce préjudice peut être matériel ou moral. Par exemple, la perte d’un salarié clé, débauché de façon fautive, peut engendrer un préjudice organisationnel.
  3. Le lien de causalité : Le juge le présume souvent à partir de la faute et du préjudice, facilitant ainsi l’action en réparation.

Ces éléments permettent de protéger non seulement les titulaires de droits, mais également ceux qui ne disposent d’aucun droit privatif sur les éléments attaqués. L’action en concurrence déloyale est donc particulièrement utile dans les litiges portant sur des signes distinctifs non déposés ou des éléments non protégeables par la propriété intellectuelle.

Typologie des actes de concurrence déloyale

L’acte de concurrence déloyale peut prendre plusieurs formes, identifiées par la doctrine et la jurisprudence. Il n’existe pas de liste exhaustive, mais quatre catégories principales se détachent.

  1. Le dénigrement : Il consiste à répandre des informations péjoratives sur un concurrent ou ses produits. Il peut s’agir d’allégations directes ou implicites, vraies ou fausses, peu importe, tant qu’elles ont pour effet de jeter le discrédit. L’objectif poursuivi est de détourner la clientèle ou de nuire à la réputation d’un acteur économique.
  2. La confusion : Elle vise à créer un amalgame dans l’esprit du public entre deux entreprises, deux produits ou deux services. Cela peut résulter d’une imitation de la dénomination sociale, du logo, du conditionnement ou encore de la communication publicitaire. Le juge apprécie notamment l’originalité du signe, la similitude visuelle ou phonétique, et le comportement de l’auteur
  3. La désorganisation : Elle peut affecter une entreprise en interne (ex. : débauchage massif de salariés, captation de fichiers clients) ou nuire à la structure même du marché (ex. : revente à perte, publicité trompeuse, distribution parallèle non autorisée). Elle correspond souvent à des comportements visant à déstabiliser un acteur économique pour prendre sa place. Le détournement d’un salarié stratégique, sans respect des clauses contractuelles liant celui-ci à son employeur, peut être qualifié de désorganisation déloyale.
  4. Le parasitisme économique : Le parasitisme est constitué lorsqu’un acteur s’immisce dans le sillage économique d’un autre pour tirer indûment profit de ses investissements ou de sa notoriété, sans fournir d’efforts équivalents. Cela peut être le cas, par exemple, d’une société qui copie la présentation, les codes esthétiques ou le concept d’un concurrent, sans le copier formellement. Le parasitisme est sanctionné même en l’absence de toute confusion.

Articulation avec d’autres actions

Une action en concurrence déloyale peut être exercée soit à titre principal, soit en complément d’une action en contrefaçon. Dans ce dernier cas, elle permettra d’obtenir réparation pour des faits connexes, mais distincts de ceux visés par la contrefaçon. Par exemple, la copie d’un produit protégé par un brevet ou une marque pourra faire l’objet d’une action en contrefaçon, mais si le concurrent a en plus cherché à tromper le consommateur en jouant sur la confusion, une action en concurrence déloyale pourra venir s’y ajouter.

Cette combinaison d’actions permet d’obtenir des réparations cumulatives : pour l’atteinte aux droits privatifs d’une part, et pour le préjudice commercial ou moral subi du fait d’actes déloyaux d’autre part.

Sanctions et mesures réparatrices

Le juge peut prononcer diverses mesures : condamnation à des dommages et intérêts (perte de chiffre d’affaires, atteinte à l’image), cessation des actes déloyaux sous astreinte, publication de la décision judiciaire, voire mesures d’instruction préventives (article 145 du Code de procédure civile).

L’évaluation du préjudice repose sur les pertes subies et les gains manqués, mais dans le cas du parasitisme, il est possible de tenir compte de l’avantage injustement perçu par l’auteur. À ce titre, une société concurrente qui tire profit des efforts de développement d’une autre sans en assumer les coûts peut être condamnée à restituer les bénéfices injustement perçus.

En outre, certaines décisions de la cour d’appel de Paris ont souligné que le trouble commercial résultant de pratiques déloyales peut justifier une mesure de cessation immédiate, notamment en cas de confusion manifeste entre deux activités concurrentes.