Deux ans de JUB : une lecture critique et juridique de la Juridiction Unifiée du Brevet

Le 1ᵉʳ juin 2023, la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) entrait officiellement en fonction, concrétisant une réforme attendue de longue date du contentieux des brevets en Europe. Deux années plus tard, il est temps de passer du commentaire de surface à une analyse structurée et critique.

C’est dans cette perspective que s’inscrit la série d’articles que nous lançons aujourd’hui : une enquête doctrinale et stratégique, au rythme de deux publications par semaine jusqu’à fin juillet, visant à éclairer les lignes de force et de fragilité du système juridictionnel ainsi mis en place.

Une exploration à plusieurs niveaux du système JUB

Au-delà des effets d’annonce qui ont entouré la naissance de la JUB, l’heure est venue d’examiner son fonctionnement réel, ses apories, ses potentialités et ses tensions.

La JUB repose en effet sur un équilibre structurel à bien des égards paradoxal. Si elle est née d’un traité international, elle s’inscrit pleinement dans l’environnement normatif de l’Union européenne, dont elle applique les règles et subit les tensions. Présentée comme une juridiction à compétence exclusive sur les brevets unitaires, elle cohabite pourtant, dans le cadre transitoire actuel, avec les juridictions nationales, au risque de fragmentations contentieuses.

Pensée comme un instrument de centralisation, elle s’organise en réalité autour d’un maillage complexe de divisions locales, régionales et centrales, qui introduit des logiques de forum, voire de concurrence juridictionnelle. Conçue pour rationaliser la procédure et accroître l’efficacité au bénéfice des titulaires de brevets, elle impose dans les faits une stratégie procédurale exigeante, où chaque choix : juridiction, langue, calendrier, peut s’avérer déterminant, voire risqué.

La JUB, en tant qu’expérience juridictionnelle inédite, ne saurait se contenter d’un simple bilan. Elle doit être interrogée dans ses rouages : quelle logique gouverne réellement son organisation ? Quelle autonomie institutionnelle lui est garantie ? Comment s’articule-t-elle avec les ordres juridiques nationaux et européens ? Et que révèle son usage concret pour les acteurs du système à savoir les PME, inventeurs, titulaires de brevets ?

Chaque article de cette série viendra interroger l’un de ces aspects, à la lumière de décisions rendues, de textes applicables, mais aussi de la pratique contentieuse en cours de structuration.

Une série lancée à l’occasion des deux ans de la JUB

Ce projet d’analyse juridique et doctrinale s’inscrit dans une temporalité symbolique : celle des deux premières années d’activité de la JUB.

Deux années au cours desquelles :

• Les divisions locales allemandes se sont imposées comme les premières juridictions de fait ;
• Le taux de réformation des décisions en appel a déjà permis de dresser des tendances statistiques révélatrices ;
• La question de la légitimité de la JUB comme véritable « juridiction d’un État membre » au sens de l’article 267 TFUE a été posée frontalement ;
• Les effets du Brexit sur les mécanismes d’opt-out et de validation ont été scrutés avec attention.

Ces premières analyses ont déjà été publiées sur le Kluwer Patent Blog

• Du Hast, But Not So Fast : analyse du taux de réformation des décisions d’appel
• Discordant Frequencies : questionnement de la nature juridictionnelle de la JUB au regard du droit de l’UE
• UPC After Brexit : trajectoire et résilience du droit britannique dans l’écosystème post-JUB
• Licence to File : stratégies d’opt-out et validation post-Brexit pour les titulaires de brevets britanniques
• Litigating in Inception : cartographie des niveaux contentieux et réflexions pour rétablir la cohérence

Ce qui vous attend dans les prochaines semaines

Les prochaines publications poursuivront cette logique analytique, en croisant droit substantiel, droit processuel, stratégie contentieuse et approche institutionnelle.

Chaque article sera une pièce ajoutée au puzzle, parfois attendus, souvent inattendus. La JUB se construit en temps réel, à nous d’en décrypter la mécanique.