25 June 2025

La décision concernant la délivrance d’un brevet peut-elle être contestée ?

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La décision concernant la délivrance d’un brevet peut-elle être contestée ?

Obtenir un brevet, c’est garantir une protection juridique forte sur une invention. Mais que se passe-t-il si cette protection est contestée ? Qui peut remettre en cause un brevet, dans quelles conditions, et devant quelles instances ? Voici un tour d’horizon accessible et pédagogique sur les voies de contestation d’un brevet après sa délivrance.

Comprendre la délivrance d’un brevet

Un brevet, c’est quoi exactement ?

Le brevet est un droit de propriété industrielle qui confère à son titulaire un monopole d’exploitation sur une invention pendant 20 ans. Cette invention doit être nouvelle, inventive et susceptible d’application industrielle.

En France, l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) est compétent pour délivrer les brevets nationaux. Pour un brevet européen, c’est l’Office européen des brevets (OEB) qui intervient, via une procédure centralisée. Depuis 2023, il existe aussi un brevet européen à effet unitaire, qui permet une protection homogène dans 17 pays de l’Union européenne.

Peut-on remettre en cause un brevet déjà délivré ?

Oui, tout brevet délivré peut faire l’objet d’une contestation ou revendication de nullité, sous certaines conditions, soit devant l’OEB, soit devant une juridiction nationale ou la Juridiction unifiée du brevet (JUB).

L’opposition devant l’OEB

Lorsqu’un brevet européen est délivré, il peut être contesté par voie d’opposition devant l’OEB, dans un délai de 9 mois après sa publication. Cette opposition vise à demander la révocation totale ou partielle du brevet, notamment si l’invention ne répond pas aux critères de brevetabilité.

Ce recours est administratif et conduit à une procédure contradictoire. L’opposant doit avancer des motifs sérieux (absence de nouveauté, absence d’activité inventive, insuffisance de description, etc.).

À noter : la décision de l’OEB n’a pas autorité de chose jugée devant les juridictions nationales ou la JUB. Un tribunal pourra donc apprécier différemment la validité du brevet

La nullité du brevet devant un juge

Hors de ce délai de 9 mois, il est encore possible de contester un brevet devant les tribunaux, en invoquant sa nullité. Cette action est fréquemment utilisée comme moyen de défense dans un procès en contrefaçon.

En France : compétence exclusive du TJ de Paris

Pour les brevets français et européens désignant la France, la juridiction compétente est le Tribunal judiciaire de Paris, seul habilité à juger de la validité d’un brevet en France

Au niveau européen : la Juridiction unifiée du brevet (JUB)

Depuis juin 2023, la JUB est compétente pour les contentieux portant sur les brevets européens à effet unitaire et les brevets européens classiques, sauf si ces derniers ont fait l’objet d’un opt-out (exclusion volontaire de la JUB pendant une période transitoire de 7 ans).

Elle peut connaître des actions en nullité, des déclarations de non-contrefaçon, ou encore des actions en contrefaçon avec défense sur la validité du brevet.

Sur quels fondements peut-on contester un brevet ?

Les motifs classiques de nullité

Un brevet peut être déclaré nul s’il ne répond pas à l’une des conditions fondamentales de brevetabilité :

  • Absence de nouveauté : l’invention était déjà connue.
  • Manque d’activité inventive : l’invention découle de manière évidente de l’état de la technique.
  • Défaut d’application industrielle : l’invention ne peut pas être réalisée concrètement.
  • Insuffisance de description : l’invention n’est pas assez détaillée pour être reproduite par un professionnel du domaine.

Les exclusions de brevetabilité

Certains objets sont expressément exclus de la brevetabilité, comme :

  • Les méthodes thérapeutiques, chirurgicales ou diagnostiques appliquées au corps humain ou animal,
  • Les découvertes scientifiques, méthodes mathématiques, ou programmes informatiques “en tant que tels”,
  • Les variétés végétales ou races animales,
  • Les inventions contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs (notamment certains usages d’embryons humains)

Quel est l’intérêt de contester un brevet ?

La contestation d’un brevet peut intervenir de manière offensive ou défensive.

  • Défensive : en réponse à une action en contrefaçon. Le défendeur cherche alors à faire tomber le brevet pour éviter d’être condamné.
  • Offensive : lorsqu’un acteur du marché estime qu’un brevet gêne l’exploitation légitime d’une technologie ou entrave la concurrence.

Existe-t-il d’autres voies de contestation ?

La déclaration de non-contrefaçon

Une entreprise qui s’apprête à commercialiser un produit innovant peut, avant d’être attaquée, demander au juge de déclarer que ses actes ne sont pas contrefaisants. Cette action, dite déclarative, vise à sécuriser juridiquement un projet sans attendre une assignation.

L’articulation avec le droit de la concurrence

Dans certains cas, la détention ou l’exploitation d’un brevet peut être analysée sous l’angle du droit de la concurrence. C’est notamment le cas lorsque :

  • Le brevet est essentiel à une norme technique (standard essentiel),
  • Ou lorsqu’il est utilisé de façon abusive pour bloquer l’accès d’un concurrent au marché.

Dans ces cas, des actions en abus de position dominante ou pratiques anticoncurrentielles peuvent être engagées.

Un brevet n’est jamais totalement à l’abri

La délivrance d’un brevet ne signifie pas que sa validité est éternellement acquise. Tout brevet peut faire l’objet de contestation administrative (opposition), judiciaire (nullité) ou stratégique (action en non-contrefaçon).

Pour les titulaires de brevets, il est essentiel de veiller à la solide rédaction du brevet et au respect des critères de fond. Pour les concurrents ou innovateurs, ces voies de recours sont des outils de régulation, garants d’un équilibre entre protection de l’innovation et libre concurrence.

Author : Dhenne Avocats.