18 July 2025

Un brevet est-il valable dans tous les pays ?

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Un brevet est-il valable dans tous les pays ?

Comprendre la portée territoriale d’un droit de propriété industrielle

Lorsque l’on pense au brevet, on imagine souvent qu’il protège une invention dans le monde entier. Pourtant, cette idée reçue ne correspond pas à la réalité juridique. Le brevet est, par nature, un droit territorial, ce qui signifie qu’il n’a d’effet que dans les pays où il a été valablement délivré ou reconnu. Si vous êtes inventeur, entrepreneur ou simple curieux du droit de la propriété industrielle, il est essentiel de comprendre les limites géographiques du brevet pour bien sécuriser une innovation.

Le brevet : un droit territorial par définition

Un monopole limité à un territoire

Le brevet est un titre juridique qui confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation sur une invention technique. Ce droit empêche tout tiers de fabriquer, d’utiliser, de vendre ou d’importer l’invention sans autorisation. Mais ce monopole d’exploitation ne s’exerce que dans les pays où le brevet a été délivré.

Concrètement, un brevet obtenu en France ne protège l’invention que sur le territoire français. Il ne permet pas de bloquer un concurrent qui commercialiserait la même invention en Allemagne, aux États-Unis ou en Chine, sauf si des démarches spécifiques ont été entreprises dans ces pays.

Chaque pays, chaque système

Chaque État dispose de son propre système de brevets, avec ses règles, ses procédures, ses délais et ses taxes. Même si des conventions internationales harmonisent certaines règles de fond, il n’existe aucun brevet mondial valable automatiquement dans tous les pays.

Cela signifie que pour être protégé à l’échelle internationale, un inventeur doit choisir dans quels pays il souhaite protéger son invention, et effectuer les démarches appropriées dans chacun d’eux, ou via des procédures centralisées prévues par des accords régionaux ou internationaux.

Les solutions pour étendre un brevet à l’étranger

Le dépôt national dans chaque pays

La méthode la plus simple mais aussi la plus contraignante est celle du dépôt national, qui consiste à effectuer une demande de brevet séparée dans chaque pays où l’on souhaite obtenir une protection. Cette solution offre une grande liberté de choix, mais elle implique de répéter les formalités administratives, de fournir des traductions, de faire appel à des mandataires locaux et de payer des taxes propres à chaque juridiction.

Cette voie est pertinente si l’on vise un nombre limité de pays, ou lorsque les autres options ne sont pas disponibles pour le territoire ciblé.

Le brevet européen : une protection régionale

Pour protéger une invention en Europe, il existe la possibilité de passer par l’Office européen des brevets (OEB). Ce système permet de déposer une seule demande, qui, après examen et délivrance, peut être validée dans plusieurs États membres de la Convention sur le brevet européen (CBE).

Une fois le brevet européen délivré, il doit être validé nationalement dans chaque pays désigné (sauf en cas d’effet unitaire), ce qui peut impliquer des coûts et formalités supplémentaires. Le brevet européen reste ainsi une collection de brevets nationaux, avec des effets indépendants dans chaque État concerné.

Depuis 2023, un brevet européen à effet unitaire permet d’obtenir une protection homogène dans plusieurs États membres de l’Union européenne, ce qui simplifie considérablement les démarches post-délivrance, mais ne couvre pas encore tous les pays européens.

Le système PCT (Patent Cooperation Treaty)

Pour viser une protection mondiale, la solution la plus efficace est de recourir à la procédure du PCT (Traité de coopération en matière de brevets), administrée par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Cette procédure ne délivre pas un brevet international, mais permet, par un dépôt unique, de préparer l’extension d’un brevet dans plus de 150 pays.

Le PCT comprend deux phases :

  • Une phase internationale, avec une demande unique, une recherche d’antériorité et une publication ;
  • Une phase nationale ou régionale, dans laquelle l’inventeur choisit les pays dans lesquels il souhaite poursuivre la procédure, avec les formalités propres à chacun.

Le principal intérêt du PCT est qu’il diffère les coûts et décisions pendant environ 30 mois après le premier dépôt, ce qui laisse le temps d’évaluer l’intérêt commercial de l’invention sur les marchés étrangers.

L’absence d’un brevet dans un pays : quelles conséquences ?

Un risque d’exploitation sans autorisation

Si une invention n’est pas protégée par un brevet dans un pays donné, elle peut y être exploitée librement. Autrement dit, une entreprise concurrente est tout à fait en droit de fabriquer ou vendre cette invention sur ce territoire, sans commettre de contrefaçon.

Ainsi, une entreprise française qui dépose un brevet uniquement en France ne pourra rien faire contre une société allemande qui fabrique le même produit en Allemagne, sauf à avoir aussi déposé un brevet en Allemagne. Il est donc essentiel, lorsqu’on souhaite conquérir un marché à l’international, de prévoir les dépôts nécessaires.

L’impossibilité d’agir en contrefaçon

En l’absence de brevet dans un pays, aucune action en justice pour contrefaçon ne peut être intentée. Le titulaire ne dispose d’aucun droit à faire valoir contre des tiers sur ce territoire. Il ne pourra pas non plus empêcher l’importation dans ce pays de produits issus de son invention, ni exiger le retrait de ces produits.

Une stratégie de protection à construire

Choisir les pays clés

Protéger son invention à l’étranger suppose de faire des choix stratégiques. Il n’est ni réaliste ni utile de vouloir déposer dans tous les pays du monde. Il convient de cibler les marchés prioritaires, les zones de fabrication potentielles, ou encore les pays à haut risque de contrefaçon.

L’analyse doit inclure des critères comme la taille du marché, la présence de concurrents, les barrières à l’entrée, ou encore les coûts de dépôt et de maintien.

Évaluer les coûts et les ressources

Étendre un brevet à l’international représente un investissement important. Il faut compter les frais de dépôt, les traductions, les taxes annuelles, les honoraires de mandataires, et éventuellement les frais de validation. Il est essentiel de prévoir un budget réaliste, en tenant compte des priorités commerciales et de la rentabilité attendue.

De plus, il est recommandé de se faire accompagner par un conseil en propriété industrielle pour bâtir une stratégie de dépôt cohérente, sécuriser les procédures et optimiser les chances de délivrance.

Un droit puissant, mais limité géographiquement

Non, un brevet n’est pas valable dans tous les pays. Il s’agit d’un droit territorial, qui ne produit ses effets que là où il a été demandé, délivré et maintenu. Pour protéger une invention à l’international, il est donc indispensable de mettre en place une stratégie d’extension adaptée, que ce soit par des dépôts nationaux, régionaux ou via la procédure PCT.

La protection par brevet est un levier essentiel de valorisation de l’innovation, mais elle exige rigueur, anticipation et accompagnement professionnel. Une fois bien conçue, cette stratégie permet de sécuriser son invention, de limiter les risques de copie et d’ouvrir la voie à une exploitation internationale réussie.

Author : Dhenne Avocats.