4 July 2025

Les modèles d’utilité et les secrets d’affaires peuvent-ils remplacer le brevet ?

Les modèles d’utilité et les secrets d’affaires peuvent-ils remplacer le brevet ?

Comprendre les voies de protection d’une innovation

Protéger une invention, c’est s’assurer que ses efforts en recherche et développement ne seront pas copiés ou exploités sans autorisation. En France, le brevet d’invention est souvent considéré comme l’outil de référence. Pourtant, il existe d’autres moyens, parfois plus souples ou plus adaptés à certaines situations, comme le certificat d’utilité (aussi appelé modèle d’utilité à l’international) ou encore le secret d’affaires.

Chacun de ces instruments juridiques a ses forces, ses limites, et surtout ses usages stratégiques. Alors, peut-on vraiment envisager de substituer un modèle d’utilité ou un secret d’affaires à un brevet ? Tout dépend des besoins, du contexte, et du type d’innovation.

Le brevet : le standard de la protection industrielle

Un droit exclusif puissant

Le brevet d’invention confère à son titulaire un monopole d’exploitation pendant 20 ans. En échange, l’inventeur doit dévoiler publiquement son invention dans une description suffisamment claire pour permettre sa reproduction.

Ce système repose sur un équilibre : la société bénéficie de la connaissance, l’inventeur bénéficie d’un droit exclusif. Ce droit est opposable à tous, y compris aux personnes ayant développé indépendamment la même invention.

Un outil juridique exigeant

Mais cette protection a un coût : en plus des taxes de dépôt et de maintien, il faut engager des frais d’expertise pour démontrer la nouveauté, l’activité inventive, et l’applicabilité industrielle. Il faut aussi accepter que l’innovation soit rendue publique 18 mois après le dépôt. Dès lors, pour certains projets – notamment ceux à cycle de vie court, ou ceux dont la rentabilité est incertaine – le brevet peut sembler excessif.

Le modèle d’utilité : un “mini-brevet” rapide et abordable

Qu’est-ce que le certificat d’utilité ?

Le certificat d’utilité, bien qu’encore peu utilisé en France, est un titre de propriété industrielle délivré par l’INPI, tout comme le brevet. Il protège une invention technique, accorde un droit exclusif pendant 10 ans, mais s’obtient via une procédure allégée, sans examen de fond initial ni rapport de recherche.

Autrement dit, on obtient un titre plus vite, et pour moins cher. Cela peut suffire à dissuader les concurrents et permet de valoriser l’invention (communication, partenariats, levée de fonds).

Pour quelles situations ?

Le certificat d’utilité est particulièrement pertinent dans trois cas :
Inventions à durée de vie courte : dans le numérique ou les objets connectés, où les produits deviennent obsolètes en quelques années.
Inventions incertaines : lorsqu’on doute de la brevetabilité, mais qu’on souhaite protéger rapidement.
Stratégies modulables : le certificat peut être transformé en demande de brevet dans les 16 mois suivant le dépôt. Cela laisse un temps d’adaptation stratégique.

Comme le souligne le Ministère des Finances dans sa note sur la réforme PACTE, le certificat d’utilité est un outil “particulièrement utile pour les PME”

Limites du modèle d’utilité

Mais attention, le certificat d’utilité n’est pas un brevet au rabais : il n’est pas reconnu à l’international (pas de PCT, pas d’équivalent à l’OEB), et son absence d’examen de fond le rend plus vulnérable en cas de litige. Avant toute action en contrefaçon, il faudra d’ailleurs faire établir un rapport de recherche a posteriori.

En résumé, c’est un outil stratégique, souple et économique, mais limité en portée géographique et juridique.

Le secret d’affaires : la protection par la discrétion

Un mode de protection sans formalité

À l’opposé du brevet ou du certificat d’utilité, le secret d’affaires ne passe par aucune formalité. Il ne coûte rien et peut durer indéfiniment, tant que le secret est préservé. Il est donc parfaitement adapté à certaines situations :

  • Procédés de fabrication invisibles (algorithmes, recettes industrielles, méthodes internes),
  • Inventions non détectables par les utilisateurs finaux,
  • Coûts de dépôt ou d’entretien jugés trop élevés,
  • Durée d’exploitation très courte.

Un choix stratégique risqué

Mais cette protection repose sur une condition majeure : garder le secret. Une fuite, une erreur humaine, ou une découverte indépendante par un tiers, et la protection est perdue, sans aucun recours possible.

En outre, le secret n’accorde aucun monopole légal. Si un concurrent arrive à la même solution par ses propres moyens, il pourra librement l’exploiter.

Enfin, faire respecter un secret d’affaires devant les tribunaux est complexe, car il faut démontrer :

  • Qu’il s’agissait bien d’une information confidentielle,
  • Qu’elle avait une valeur commerciale,
  • Qu’elle a fait l’objet de mesures de protection raisonnables.

Cela suppose des contrats solides (NDA, clauses de confidentialité), des protocoles internes stricts et une cybersécurité rigoureuse.

Peut-on vraiment se passer du brevet ?

Brevet, certificat d’utilité ou secret : une affaire de stratégie

Le choix entre ces trois protections n’est pas exclusif. Un même projet peut mobiliser plusieurs instruments :

  • Brevet pour les inventions visibles et à fort potentiel de valorisation,
  • Certificat d’utilité pour des innovations rapides ou à rentabilité incertaine,
  • Secret d’affaires pour des procédés confidentiels ou non brevetables.

Chacun présente un équilibre différent entre coût, durée, portée, sécurité juridique et visibilité.

Choisir avec lucidité

Renoncer au brevet n’est pas toujours une erreur. Dans certains cas, cela peut même être la meilleure option. Mais il faut le faire en conscience, selon une stratégie claire.

Si votre invention est facilement détectable ou copiable, le brevet reste incontournable.

Si elle est difficile à reproduire, coûteuse à breveter ou à courte durée de vie, le certificat d’utilité ou le secret d’affaires peuvent s’imposer comme des alternatives viables.

Dans tous les cas, ne négligez jamais l’importance de l’accompagnement par un professionnel du droit de la propriété intellectuelle. Car au-delà des titres, c’est bien votre stratégie de valorisation qui déterminera la réussite de votre innovation.

Author : Dhenne Avocats.