29 April 2025

Quelle invention protéger ?

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Quelle invention protéger ?

Quelles sont les différentes catégories d’invention protégeables ?

En droit des brevets, il est essentiel de comprendre ce que l’on peut protéger. Lorsqu’on parle d’invention, on pense souvent à un objet totalement nouveau, comme un appareil innovant ou un outil technologique. Mais en réalité, toutes les inventions ne prennent pas la forme d’un produit concret. Certaines portent sur une manière nouvelle de fabriquer, d’utiliser, ou de combiner des éléments existants.

En outre toutes les inventions ne sont pas brevetables. En effet, il faut non seulement que l’invention réponde aux conditions légales de brevetabilité, mais aussi s’assurer qu’elle ne se trouve pas par nature ou pour des raisons éthiques hors du champ de la protection.

Les inventions protégeables par le droit des brevets

Les conditions

En France, ces critères sont posés par l’article L.611-10 du Code de la propriété intellectuelle.

L’invention doit être nouvelle

Une invention est nouvelle si elle n’a jamais été divulguée au public, sous quelque forme que ce soit (publication, produit commercialisé, démonstration technique, etc.). Peu importe le lieu, la date ou la personne qui l’a révélée : si l’information est accessible, l’invention n’est plus nouvelle.

Si vous communiquez votre invention avant le dépôt du brevet (par exemple à un salon ou sur internet), elle entre dans l’état de la technique et ne pourra plus être protégée. D’où l’importance de la garder confidentielle jusqu’au dépôt.

L’invention doit impliquer une activité inventive

Ce critère vise à écarter les inventions qui ne font qu’apporter une solution trop évidente à un problème technique. L’invention est évaluée du point de vue d’un professionnel ordinaire du secteur, appelé en droit « l’homme du métier« . Si cet homme du métier aurait trouvé la solution facilement, alors l’invention manque d’activité inventive. C’est un critère subtil, souvent au cœur des litiges. De nombreux brevets sont annulés non pas pour défaut de nouveauté, mais pour manque d’activité inventive.

L’invention doit être susceptible d’application industrielle

Pour être brevetable, l’invention doit pouvoir être fabriquée ou utilisée dans n’importe quelle industrie, y compris l’agriculture. Cela signifie qu’elle doit avoir une application concrète, pas seulement théorique. Ce critère vise à réserver la protection par brevet aux innovations utiles pour l’industrie ou la société.

Les exclusions

Même si une invention remplit les trois critères précédents, certaines créations ne peuvent jamais être brevetées, car elles sont hors du champ de la protection.

Les inventions expressément exclues sont limitativement listées des articles L611-16 à L611-19 du Code de la propriété intellectuelle. Il s’agit :

  • Des découvertes, théories scientifiques, méthodes mathématiques
  • Des logiciels « en tant que tels » (sauf s’ils produisent un effet technique)
  • Des méthodes thérapeutiques ou chirurgicales
  • Des créations contraires à l’ordre public ou à la morale
  • Des variétés végétales ou races animales naturelles
  • Des éléments du corps humain « en tant que tels »

Ces exclusions visent à protéger l’éthique, la santé publique, et à éviter la privatisation de la connaissance ou du vivant.

La typologie des inventions

Même si les textes juridiques, comme la Convention sur le brevet européen (CBE) ou le Code de la propriété intellectuelle (CPI), ne classent pas explicitement les inventions en catégories, la pratique a fait émerger une typologie qui aide à rédiger les revendications et à évaluer la portée du brevet.

Cette typologie distingue principalement trois grands types d’inventions : les inventions de produit, de procédé et d’application. On évoque parfois aussi les inventions de combinaison.

Les inventions de produit

C’est l’une des catégories les plus courantes et celle qui confère la protection la plus large. Elle protège un objet matériel, une substance, ou un composé nouveau quelle que soit sa complexité : un outil, un médicament, un composant électronique, une molécule, etc.

Attention : c’est le produit lui-même qui est protégé, pas le résultat obtenu par son utilisation. Le produit est ce que l’on fabrique, tandis que le résultat est l’effet obtenu.

Si ce produit est intégré à un ensemble déjà breveté : Il faudra éviter la contrefaçon en déposant un brevet dit de composition ou de perfectionnement, souvent avec l’accord du titulaire du brevet initial (via une licence).

L’invention de procédé

Ici, le brevet porte sur une méthode de fabrication ou d’obtention, c’est-à-dire un moyen technique (physique ou immatériel) permettant de produire un résultat ou un produit.

En droit français, on distingue souvent :

  • Le moyen général : on protège une fonction technique nouvelle
  • Le moyen particulier : on protège la réalisation concrète de cette fonction.

Plus le procédé est décrit de manière générale, plus la protection est large. Mais plus il est précis, plus la validité du brevet est assurée.

Le procédé est protégé dans son fonctionnement et dans son application. D’autres procédés peuvent mener au même résultat sans violer le brevet, sauf si le résultat est lui-même protégé comme un produit.

L’invention d’application

Ce type d’invention concerne l’usage nouveau d’un produit ou d’un moyen déjà connu. Autrement dit, on prend quelque chose qui existait déjà, mais on en fait une application inédite.

Exemple classique : L’aspirine, utilisée à l’origine comme antidouleur, a été ensuite brevetée pour son effet fluidifiant du sang, notamment pour prévenir les embolies pulmonaires.

La protection ne couvre que cette application particulière, et pas le produit ou la molécule en elle-même.

L’invention de combinaison

Il s’agit de réunir des éléments connus (produits ou procédés), mais de façon nouvelle, afin de produire un effet technique inédit. Autrement dit, Il s’agit de prendre plusieurs éléments existants, et de les associer d’une manière originale pour créer un effet technique nouveau.

Cette combinaison doit coopérer techniquement pour atteindre un objectif commun. Si les éléments sont simplement juxtaposés (c’est-à-dire posés les uns à côté des autres sans interaction), on ne parle pas d’invention au sens du droit des brevets.

La brevetabilité dépendra de l’effet technique d’ensemble produit par la combinaison.

Conclusion

Bien que la loi actuelle ne formalise pas systématiquement cette classification, ces différentes catégories d’invention sont essentielles pour comprendre ce qui peut être protégé par un brevet, comment adapter la rédaction des revendications, et quelle est l’étendue de la protection juridique.

Author : Dhenne Avocats.